À première vue, Puzzlide pourrait passer pour une énième tentative de rendre le puzzle “fun” et “différent”. Une autre marque qui prétend réinventer la roue avec une boîte de 1000 pièces. Mais dès qu’on ouvre la boîte, qu’on touche les pièces, qu’on assemble les premières zones… on comprend que Puzzlide n’est pas là pour jouer dans la cour des petits. Ce n’est pas seulement un puzzle. C’est un monde, un jeu, une surprise continue.
Une narration visuelle en mouvement
Chaque puzzle Puzzlide raconte une histoire. Pas dans le sens figuré : littéralement, la scène change, évolue, se transforme. Le visuel de la boîte ? Une simple référence, et parfois même volontairement trompeuse. Un puzzle représente un parc d’attractions sous un ciel estival ? À l’assemblage, surprise : il neige. Un autre montre une scène de marché pleine de vie ? Attention, certains personnages sont déguisés, d’autres complètement cachés, certains objets ont changé de place. Le message est clair : tu ne maîtrises rien. Et c’est précisément là que Puzzlide devient génial.
Cette mécanique d’illusion — ce glissement entre l’image attendue et la réalité du puzzle — évoque les livres de Martin Handford (“Où est Charlie ?”) ou les tableaux fourmillants de Richard Scarry. À chaque coin de l’image, une histoire secondaire, un détail absurde, un personnage caché. Le plaisir ne vient pas seulement du fait de réussir à assembler, mais de s’arrêter, d’observer, de découvrir. Le puzzle devient un théâtre vivant.
Et une fois le dernier morceau en place ? L’expérience continue. Chaque boîte inclut un jeu de cartes “Seek & Find” — avec des missions visuelles, des énigmes à résoudre, des éléments à retrouver dans l’image complète. Les plus jeunes adorent. Les adultes aussi, une fois qu’ils acceptent de ne pas prendre ça trop au sérieux.
Le choc des artistes
Puzzlide s’est entouré d’artistes aux styles singuliers et immédiatement reconnaissables. Aaron Yeo signe un “Day at the Theme Park” saturé de détails absurdes et de personnages déjantés : clowns, zombies, animaux, tout ce petit monde cohabite dans une scène aussi chaotique que maîtrisée. Ruth2m livre un univers fantasy aux orcs maladroits et aux dragons facétieux dans “Day in the Castle” — une véritable fresque pleine d’humour et de clins d’œil au genre médiéval fantastique. Quant à Paola Cabrera, elle offre une lecture plus graphique, plus pastel, avec son marché urbain truffé de chats, de déguisements et de fruits géants.
La richesse des illustrations est un des piliers de l’identité Puzzlide. Ce n’est pas une DA générique sous-traitée à l’autre bout du monde. Chaque illustration est une œuvre pensée pour raconter, pour piéger, pour faire sourire ou s’émerveiller. On pourrait les encadrer.
Le projet “Cat Town” par Inma Gallardo pousse encore plus loin cette logique. Imagine une ville peuplée uniquement de chats : chats policiers, chats boulangers, chats voyous… Tout est pensé avec humour et cohérence. Et dans ce décor très “Kiki la petite sorcière x Brooklyn”, les détails foisonnent : un chien déguisé qui infiltre la ville, un chat qui poursuit un rat sur un toit, une poissonnerie attaquée par des mouettes. Chaque scène est un micro-récit.
Des puzzles conçus pour durer
Côté matériel, rien à redire. Puzzlide ne fait pas semblant : pièces épaisses de 2,2 mm (quand la norme flirte souvent avec 1,75 mm), découpe nette, surface mate agréable au toucher, aucun problème d’ajustement ou de poussière d’usine. Les pièces sont robustes, résistantes à la flexion, et offrent ce “clic” satisfaisant à chaque emboîtement.
Des plateaux de tri sont inclus, ce qui reste rare dans le monde du puzzle grand public. Et l’emballage respire la qualité : pas d’illustration pixelisée ou d’impression bon marché, mais une vraie attention à la mise en page, aux couleurs, à la lisibilité. Même les règles du jeu et les cartes sont bien imprimées, sur du papier solide et agréable à manipuler. On sent que le produit est pensé jusqu’au bout.
Un projet Kickstarter qui tient la route
Puzzlide, c’est aussi une équipe qui a de la bouteille. Plus de 20 campagnes Kickstarter livrées, une expertise dans le design de jeux (notamment Time Geeks, Hidden Doodles), et une capacité rare à conjuguer ambition créative et exécution industrielle. Les livraisons sont respectées, les updates réguliers, les backers écoutés. Dans un univers où les campagnes participatives sont parfois synonymes de retards ou de produits au rabais, Puzzlide se distingue par son sérieux.
Les puzzles sont disponibles en précommande (avec des pledges tardifs encore ouverts) mais sans les réductions réservées aux soutiens de la première heure. L’envoi est mondial, via pledge manager, avec des frais transparents. Rien à signaler de louche ou flou ici.
Et Vizzles, dans tout ça ?
Impossible de parler de Puzzlide sans faire un détour par Vizzles, l’autre ovni du monde du puzzle narratif. Même principe global : un puzzle n’est plus une simple image, c’est un jeu avec un twist. Chez Vizzles, on assemble pour mieux résoudre des énigmes, aidé·e par des cartes et parfois une petite narration façon escape game. L’expérience est plus linéaire, plus cérébrale, parfois même collaborative.
Là où Vizzles vous fait réfléchir, Puzzlide vous fait rire, vous surprend, vous titille le regard. Et si vous aimez les deux, tant mieux : ce sont deux manières de réinventer le puzzle, loin des standards poussiéreux.
Plus qu’un puzzle : un jeu narratif
Ce qui fait la force de Puzzlide, c’est son refus de se contenter du plaisir basique du puzzle. Oui, c’est déjà satisfaisant de finir un 1000 pièces bien fichu. Mais ici, ce n’est que le début. Les cartes de jeu prolongent l’expérience. Le “Seek & Find” impose une relecture active de l’image. On joue à plusieurs, on coopère, on défie ses amis, on réinvente la scène sous un nouvel angle. L’image devient un terrain de jeu, presque un plateau de jeu de société.
Certains jeux inclus rappellent le “Memory”, d’autres des énigmes façon Sherlock Holmes. Et tous sont ancrés dans le visuel du puzzle : il ne s’agit pas d’un bonus artificiel ou générique, mais bien d’un prolongement logique et amusant de l’image assemblée.
Dans un monde saturé d’écrans, Puzzlide parvient à proposer une expérience analogique qui reste ultra-stimulante, multisensorielle et parfaitement intergénérationnelle. On assemble, on cherche, on rit, on s’énerve, on recommence.
Puzzlide n’a pas juste réussi un bon puzzle. Ils ont réussi à injecter de la vie dans une image fixe. Et ça, c’est un exploit.
Laisser un commentaire