Si tu penses encore que les puzzles en bois sont réservés aux salons feutrés d’un autre siècle, il est temps de remettre les pendules à l’heure. Victory Wooden Puzzles, relancée en 2022 par Andrew Knowles et son fils Aidan, n’est pas juste une marque nostalgique revenue d’entre les morts. C’est une leçon de savoir-faire britannique, un pied de nez élégant à la standardisation, et surtout un hommage contemporain à l’art du puzzle. Sous leur vernis rétro se cache un travail d’orfèvre qui redéfinit ce que devrait être l’expérience du puzzle aujourd’hui.
Une découpe, mille identités
La force principale de Victory, c’est son obsession pour la découpe. Là où la majorité des marques — même les plus respectables — répètent les mêmes matrices pour rationaliser leur production, Victory fait exactement l’inverse. Chaque puzzle est traité comme une œuvre indépendante, avec une approche singulière du découpage. C’est comme si chaque modèle avait son propre dialecte, sa propre façon de parler au puzzleur.
Prenons La Chablisienne par exemple : un art déco tranché à la herringbone, chaque pièce évoquant un parquet de grand hôtel des années 1920. Puis vient Beach Huts, au motif carré et apparemment sage, mais qui surprend par ses interconnexions complexes et ses faux amis bien fourbes. On enchaîne avec Home on the Range et sa découpe en « line cut », où les formes suivent le dessin comme une main suit les contours d’un relief sur une carte topographique. Le découpage épouse les zones du visuel : ciel, plaine, animaux. On pourrait presque y lire le puzzle comme on lit un paysage.
Et si tu crois avoir tout vu, il y a Ribbit, le puzzle tesselé où chaque pièce est identique… ou presque. Deux formes qui s’interchangent librement, un cauchemar pour qui cherche des repères, un régal pour ceux qui aiment l’absurde logique des faux-fits. Ce genre de pari ludique, Victory est l’un des seuls à le tenter sans que ça vire au gadget.
Whimsies et fantaisies
Impossible de parler de puzzles en bois sans évoquer les whimsies. Ces pièces spéciales, souvent en forme d’objet ou d’animal, ne sont pas là juste pour faire joli. Chez Victory, elles participent pleinement à la narration du puzzle. Sur Starry Night, puzzle corsé aux découpes tourbillonnantes, les whimsies ajoutent une couche de complexité – certains composés de plusieurs pièces qui s’assemblent en un seul motif. Leur dos est même gravé pour les repérer, un détail technique aussi utile qu’élégant. Ce genre de finition, ça sent le travail bien fait, pensé par quelqu’un qui aime vraiment ce qu’il fait.
On notera que Ribbit, justement, ne propose pas de whimsies traditionnels, mais chaque pièce, en reprenant le motif de la grenouille, devient elle-même un clin d’œil au concept. Une sorte de whimsy inversé qui démontre une vraie réflexion sur le medium.
Une direction artistique cohérente et ambitieuse
Victory ne mise pas tout sur le bois : l’image compte autant que la découpe. Là encore, la sélection des visuels est soignée. Des classiques comme La Nuit étoilée de Van Gogh aux illustrations contemporaines de Lucy Grossmith ou Lisa Graa Jensen, en passant par des affiches vintage ou des œuvres graphiques modernes, le catalogue navigue entre les époques sans se perdre.
Ce qui frappe, c’est la lisibilité des œuvres. L’impression est directe sur bois de tilleul — pas de stratifié, pas de MDF bas de gamme. Le résultat ? Des couleurs nettes, sans bavures, et surtout sans risque de décollement. Ce genre de choix techniques n’est pas anodin : on est ici sur un produit pensé pour durer, voire être transmis. C’est du matériel d’héritage, pas un consommable de week-end.
Et à l’instar des bons éditeurs de livres, Victory comprend qu’un puzzle, ce n’est pas seulement une image, c’est un tempo. Les découpes lentes et savamment construites du Vintage Poster Torquay procurent une sensation presque méditative, quand les turbulences du Starry Night poussent à une tension jubilatoire. Chaque visuel appelle une expérience spécifique, adaptée à différents types de puzzleurs : les contemplatifs, les stratèges, les amateurs de défis absurdes.
Une marque portée par des artisans
Derrière Victory, il y a une philosophie. Andrew Knowles, ex-pilier de Daler-Rowney, ne cache pas son ambition : rendre hommage à la tradition artisanale britannique tout en insufflant une énergie moderne à une marque née il y a un siècle. Ce n’est pas un coup marketing, c’est une mission patrimoniale. Et ça se sent. Pas d’inflation de gamme, pas de surproduction. Chaque modèle est pensé comme une pièce rare, et le catalogue grandit à un rythme mesuré.
Ce soin du détail, ce refus de l’uniformisation, c’est exactement ce que recherchent les passionnés lassés des puzzles jetables. Victory ne te vend pas une simple distraction. Il te propose une expérience, un objet, presque une pièce de collection.
Verdict
Victory Wooden Puzzles, c’est la Rolls-Royce du puzzle en bois. Mais une Rolls qui ne se prend pas au sérieux. C’est précieux, mais pas snob. Technique, mais pas élitiste. On y trouve des découpes audacieuses, un respect du matériau, un amour évident du visuel et surtout, une volonté constante de surprendre.
Ce n’est pas une marque pour faire un puzzle entre deux lessives. C’est pour celles et ceux qui veulent un vrai moment. Si tu cherches à redécouvrir ce que signifie « faire un puzzle », Victory te tend les bras.
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